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Au crépuscule de sa vie, Anatole France reçoit le prix Nobel de littérature et voit, quelques mois plus tard, son œuvre entière mise à l’index par l’Eglise catholique. Cet honneur et cet opprobre concluent la carrière singulière d’un écrivain qui délaissa les chemins du conformisme pour suivre ceux de la libre pensée, dans un combat incessant contre toute forme de dogme et de fanatisme. 
Biographie résumée
 
Anatole France est né le 16 avril 1844 à Paris. Ses parents, François Noël Thibault et Antoinette Gallas, sont issus d'un milieu modeste mais ils sauront placer leur fils dans les conditions qui lui permettront de développer ses facultés intellectuelles et littéraires. L'enfance du futur académicien a pour décor les livres de la librairie familiale et ceux des bouquinistes des quais de Seine.
   
« J’ai été nourri sur les quais, où les vieux livres se mêlent au paysage. »
(La Vie Littéraire - 3ème série)
 
La carrière littéraire
   
Lycéen, Anatole France aide son père dans la rédaction des catalogues de la librairie familiale mais c’est la littérature plus que le commerce qui l’intéresse. Le jeune France ne s’attarde donc pas au côté de son père et vers 1865, après avoir obtenu le baccalauréat, il entame sa carrière d’homme de lettres. Il publie des articles et des poèmes dans des revues littéraires, rédige des préfaces et des notices pour l’éditeur Lemerre, fréquente le salon de Nina de Villard et est introduit dans le groupe des poètes du Parnasse. 
   
A partir de la fin des années 1870, Anatole France obtient ses premiers succès avec Le Crime de Sylvestre Bonnard (1881), Thaïs (1891) et La Rôtisserie de la Reine Pédauque (1893). On parle de lui dans la presse et ses chroniques littéraires dans différents journaux font autorité. Les salons parisiens, si influents en cette fin du XIXe siècle, lui ouvrent leurs portes. Il est élu à l'Académie française en 1896.
  
C’est durant les vingt années qui précèdent la Grande Guerre qu’Anatole France obtient ses plus grands succès littéraires avec L'Ile des pingouins (1908), Les dieux ont soif (1912) et La Révolte des Anges (1914). Il devient l'objet d'une grande ferveur populaire et s’impose comme une institution de la culture française.
 
Les combats
   
Sollicité de toutes parts, Anatole France s’engage à partir de 1896 dans le combat social et politique. Jusqu’à sa mort, tout en poursuivant sa carrière littéraire, il milite pour de nombreuses causes et surprend ceux qui n’avaient vu en lui qu’un pilier de la civilisation occidentale et des lettres classiques. De congrès en banquet, de manifestation en pétition, il soutient les Arméniens, lutte pour la réhabilitation de Dreyfus, exige la séparation de l’Eglise et de l’Etat, promeut les universités populaires et les restaurants coopératifs, apporte son soutien à la cause féministe, milite à la Ligue des droits de l’homme, critique la politique coloniale et exprime sa sympathie pour la révolution russe et l’émancipation du prolétariat.
  
En 1914, dès le début de la guerre, Anatole France se réfugie dans une propriété à Saint-Cyr-sur-Loire, La Béchellerie. Il est un temps déstabilisé dans ses convictions pacifistes par l’assassinat de son ami Jean Jaurès et par l’atmosphère belliqueuse qui domine.
 
Les hommages et les outrages
   
Durant les dix dernières années de la vie d'Anatole France, les hommages officiels, à l’occasion de la remise du prix Nobel de littérature en 1921 ou de son quatre-vingtième anniversaire, alternent avec les outrages qu’il subit de la part de certains journalistes qui mettent en doute son patriotisme ou de l’Eglise qui inscrit en 1922 l’ensemble de son œuvre à l’Index des livres interdits. 
  
Anatole France s'éteint le 12 octobre 1924 à La Béchellerie. Ses funérailles sont organisées par le gouvernement à Paris, devant l'Institut, juste à côté de sa maison natale. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont amassées sur le trajet du corbillard qui l'amène jusqu'au cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine où sont déjà inhumés ses parents . 
   
Pendant la cérémonie, un groupe de jeunes écrivains diffuse un pamphlet violent dans lequel ils proposent de gifler le mort. « Un Cadavre », le premier texte surréaliste collectif, exprime la haine et le mépris des six compères envers un écrivain jugé trop tiède, leur frustration et leur incompréhension face à l’hommage trop unanime d’une foule béate et surtout leur espoir et leur impatience de pouvoir libérer leur énergie créatrice, leur ambition et leur talent qu’ils croient étouffés par la gloire quasi institutionnelle de leur aîné.
   
Les outrages continuent avec son successeur à l'Académie qui le prive de l’éloge qui lui était dû et surtout par la chape d'oubli qui recouvre son œuvre au fil des années ; les innombrables rues et écoles qui portent le nom d’Anatole France sont aujourd’hui autant de fantômes de sa célébrité passée.
 
Un sceptique et un rêveur
  
Le qualificatif de « sceptique » est attaché au nom d’Anatole France. A l’opinion générale et aux dogmes, il oppose constamment dans son œuvre et dans son action militante le doute et l’analyse. 
   
Mais Anatole France sait aussi s'éloigner de la vérité et de la réalité. Le rêve est la cinquième dimension de son univers. Dans son œuvre, on croise des fées, des faunes et des fantômes, on médite sur la condition de l’homme qui semble prisonnier de sa réalité et n’aspire qu’à s’en échapper ; le rêve est là pour l’y aider, en libérant ce qu’il y a de meilleur en lui.
 
« Pour accomplir de grandes choses il ne suffit pas d’agir, il faut rêver, il ne suffit pas de calculer, il faut croire. » (Discours de réception à l’Académie française - 1896).
 
Textes et illustrations extraits de Anatole France Hommages et Outrages © Antoine Pin
 
Quelques citations 
  
J’ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l’indifférence.
(Le Crime de Sylvestre Bonnard)
  
Il est dans la nature humaine de penser sagement et d’agir d’une façon absurde. 
(Le Livre de mon ami)
  
Cette vie humaine, si douce et si amère, si mauvaise et si bonne, à la fois idéale et réelle, et qui contient toutes choses et concilie tous les contrastes.
(Le Jardin d’Epicure)
  
Ma faiblesse m'est chère. Je tiens à mon imperfection comme à ma raison d'être.
(Le Jardin d’Epicure)
  
C’est une grande satisfaction que de dire ce qu’on croit utile et juste.
(Vie de Jeanne d’Arc)
  
Jamais on ne donne autant que lorsqu’on donne des espérances.
(L’Ile des pingouins)
  
Que peut la vérité froide et nue contre les prestiges étincelants du mensonge ?
(Les Sept femmes de la Barbe-Bleue)
  
Il est utile et bon d’être un rêveur.
(Discours aux étudiants - 1910)
  
La guerre est une affaire, elle a toujours été une affaire.
(La Révolte des anges)
 
Textes et illustrations extraits de Anatole France Hommages et Outrages © Antoine Pin

         

La question du nom

     

Deux jours après sa naissance, le petit Anatole est présenté par son père à la mairie d’arrondissement, comme l’exige la loi de l’époque. Il est inscrit dans le registre des naissances sous le nom de « Anatole François Thibault ».

Le patronyme France est parfois présenté comme un pseudonyme littéraire ou encore un nom choisi pendant l’affaire Dreyfus, dans une sorte de surenchère patriotique. En réalité, ce nom est porté par le futur académicien dès son enfance. France est l’abréviation usuelle de son second prénom et surtout du premier prénom de son père, François Noël Thibault, qui l’avait choisi pour exploiter sa librairie dès 1839, cinq ans avant la naissance de son fils.

Anatole France vers 1885. Anatole France Hommages et Outrages, biographie illustrée d'Anatole France par Antoine Pin
Discours d'Anatole France aux obsèques d'Emile Zola.  Anatole France Hommages et Outrages, biographie illustrée d'Anatole France par Antoine Pin
Funérailles d'Anatole France le 18 octobre 1924. Photographie Henri Manuel.  Anatole France Hommages et Outrages, biographie illustrée d'Anatole France par Antoine Pin
Pingouin argent et bronze vers 1900. Photographie Cécile Pin.  Anatole France Hommages et Outrages, Biographie illustrée d'Anatole France par Antoine Pin
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